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letra de la mare - thomas fersen

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souffrant, probablement
d’avoir fait l’acrobate
j’essayais un traitement
de médecine hydropathe
savoir un bain brûlant
comme l’est l’eau des pâtes
dans le gros ventre blanc
d’une baignoire à pattes

je baignais dans ma vase
et regardais crever
des pet-tes bulles de gaz
me plaisant à rêver
que je portais la robe
de bure ou le burnous
d’où jaillissaient les globes
cagneux de mes genoux

la mare m’appelait
comme ce qui est trouble
comme ce qui est laid
comme ce qui est double
ce qui a deux côtés
comme tout ce qui cache
sous sa lisse surface
un monde tourmenté

le brouillard enveloppant
le murmure de la mousse
de même que le serpent
du tuyau de la douche
le groin du sèche-cheveux
et le savon baveux
evoquant un cr-paud
-ssis et vert de peau

affligé de pustules
ou encore mes rotules
émergées devant moi
ouvrant des yeux fendus
sur mon individu
comme sur une proie
les yeux d’un caïman
ramenaient à maman

ma mère avait si peur
que je tombe dans la mare
et dans ce qui est trouble
et dans ce qui est double
ce qui a deux côtés
et dans tout ce qui cache
sous sa lisse surface
un monde tourmenté

mon eau refroidissait
le trou du dévidoir
en avalait l’excès
et je l’écoutais boire
à pet-tes gorgées
au bout de la baignoire
où il est ménagé
sorte de grotte noire

terrier a deux entrées
l’autre étant le siphon
par où les eaux s’en vont
à grands bruits aspirées
dans le réseau d’artères
de la tuyauterie
jusqu’a l’humide abri
au centre de la terre

solitaire et sévère
meublé de stalact-tes
d’une femme aux yeux verts
comme la mare interdite
elle est représentée
au pied de saint-michel
ou de saint-georges en selle
en hydre épouvantée

le saint l’immobilise
brandissant son épée
je l’ai vu à l’église
il va la découper
car elle est un dragon
et sa tête est affreuse
quand elle sort de ses gonds
mais si elle est heureuse

plus d’écailles, plus d’ailerons
ses cheveux font des boucles
au milieu de son front
rutile une escarboucle
c’est un très beau rubis
que la vouivre abandonne
auprès de son habit
lorsqu’elle se déboutonne

dans l’herbe de la rive
avant d’entrer dans i’eau
voici ce qui arrive
a qui a le culot
de toucher son trésor
lorsqu’elle est dans l’étang
voici quel est le sort
funeste qui l’attend :

onduleux et rampant
tout un flot de serpents
surgit et vous dévore
et si dans un effort
ou plutôt par miracle
on échappe au festin
le rubis dans le sac
se transtorme en crottin

ma mère avait si peur
que je tombe dans la mare

par le trou du trop-plein
une voix fit coucou
elle y p-ssa la main
elle y p-ssa le cou
elle y p-ssa un bras
une jambe, un genou
arrivant du jura
car c’est là le chez-nous

le pays où est née
la vouivre des lavoirs
on p-sse sans les voir
lis sont abandonnés
au cresson des fontaines
et a l’écroulement
ce sont des monuments
d’une époque lointaine

elle a quitté les vignes
où l’on fait du vin jaune
elle est venue en ville
car c’est là qu’est la faune
laissant les vieilles poutres
les ruines de châteaux
et leurs douves sans eau
sans brochets et sans loutres

elle a pour privilège
la jeunesse éternelle
sa peau se renouvelle
y compris celle du siège
elle est toujours gracieuse
son corps est souple et beau
sa vue est délicieuse
et le savon-cr-paud

ouvrait de grands yeux vides
mais néanmoins avides
que deux bulles lui faisaient
dans mes paumes en creuset
je lui donnais à boire
un peu d’eau, qu’elle buvait
c’était charmant à voir
comme son derrière bien fait

de sa langue bifide
c’est-à-dire à deux bouts
que.les serpents dévident
pour s’informer de tout
et d’un peu de salive
salive vaut lessive
chez les hydres-griffons
elle me mit en savon

et je me laissais faire
grand amateur de soins
d’huile de vétiver
de teinture de benjoin
trouvant très agréable
que l’on s’occupe de moi
comme maman, autrefois
de l’enfant malléable

maman avait si peur
que je tombe dans la mare
la mare qui est trouble
la mare qui est double
et qui a deux côtés
comme tout ce qui cache
sous sa lisse surface
un monde tourmenté

“n’essaie pas de me suivre
chacun va son chemin”
disant ces mots, la vouivre
me serra la main
emporta ses richesses

dans le pet-t trou noir
et qui chuintait sans cesse
au bout de la baignoire
comme sainte-marguerite
de la légende dorée
où elle y est décrite
sortant régénérée
du ventre du dragon
je me sentais renaitre
vivant et heureux d’être
dans un état second

les pieds dans les voraces
chenilles du tapis
sans retrouver de traces
de vouivre, de rubis
questionnés sur ce point
le savon, la pierre ponce
taciturnes témoins
demeuraient sans réponse

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