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letra de le prix de l'or - richard desjardins

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emanual
— capitan, écoutez-moi un seul instant
moi, j’ai soumis moultes palaces
j’ai maîtrisé hémorragies
terres de feu, enfers de glace
et plus que tout, la nostalgie

trois ans, capitan, trois ans
à contourner tous ces récifs
j’allais, heureux, en transformant
mes volontés en or m-ssif

sur mon p-ssage j’ai tout vaincu
je suis, vivant, une céphéide
jamais pourtant je n’aurais cru
périr par un mouvement du vide

trente et troisième jour aujourd’hui
qu’il n’a venté ni n’a plu
la mer étale son ennui
notre vaisseau n’avance plus

et nous voilà, pantins du sort
voiles mortes au galion funèbre
perdus au large des açores
le compas sombre dans les ténèbres

le soleil chauffe encore et encore
misère! tout ce qui vit pourrit
l’eau s’échappe de nos corps
plus une goutte dans les barils

empalés par le délire
tous le scorbut à la bouche
de fond en comble du navire
les marins tombent comme des mouches

ils ont mangé le dernier chien
l’albatros et le cuir des câbles
il ne reste vraiment plus rien
que d’attendre une mort affable

capitan, écoutez-moi un seul instant
inocencio, il vend son eau
à des squelettes agonisants
une lampée pour un lingot

inocencio, cet être fourbe
celui-là qui ne croit à rien
il a de l’eau plein sa gourde
réquisitionnez-la au moins!

je sais, vous êtes obéissant
aux lois qui règnent sur la mer
mais craignez celles du tout-puissant
si vous abandonnez vos frères

ces hommes-là ont am-ssé
dans la cale une montagne
d’or, d’argent, d’opale, -ssez
pour acheter couronne d’espagne

si nous mourons, tout tombera
aux mains des pirates portugais
sans même qu’ils aient livré combat
ils prendraient le trésor? jamais!

moi, emanual d’estremadure
où les moulins commandent au vent
je peux vivre sans nourriture;
la honte me tuera bien avant

(le capitan meurt.)

oyez marins! oyez marins!
le capitaine vient de mourir
je prends au nom de charles quint
le commandement de ce navire

dieu a jeté son mauvais œil
sur le butin de nos conquêtes
de voir nos cœurs remplis d’orgueil
il rage de nous avoir fait naître

tous sur le pont! r-ssemblement!
que chacun de nous se mette à genoux
et f-sse au ciel un grand serment
il veut sa part, soumettons-nous

señor dios, si la pluie tombe, si le vent monte
je jure qu’arrivé à tolède
au premier mendiant que je rencontre
je donne tout ce que je possède

ramon
— je solderai cinq mille soldats
pieux et cruels. en mouvement
par les sables du sahara
je détruirai les musulmans

juan
— si vous nous exaucez, señor
je vous comblerai de louanges
j’irai à rome fondre mon or
dans les chaudières de michel-ange

velasco
— moi, velasco, prince d’amour
les femmes se battent pour m’avoir
je fixerai l’astre du jour
et brûlerai mes beaux yeux noirs

alonzo
— moi qui n’ai pas de si beaux yeux
qui n’ai l’amour qu’au bout d’une lame
je remettrai mon or précieux
à l’homme qui couche avec ma femme

arroyo
— je veux la fin de mon calvaire
mon or est bu, j’ai soif encore
or tuez-moi! de toutes manières
d’ici demain je serai mort

combien de fois faut-il crever
pour contenter ce dieu-satan
je vous demande de m’achever
à l’arquebuse, à bout portant

emanual
— inocencio, fais quelque chose
donne-lui de l’eau, je t’en supplie;
je ne défendrai pas ta cause
si venait à tomber la pluie

inocencio
— arrêtez-moi tout ce vacarme
priez, pleurez, bande d’idiots
dans la salive et dans les larmes
il y a, crétins, surtout de l’eau

juan
— voyez! un frisson dans la voile
si, si, le bateau a bougé
comandante emanual
nous avançons! nous sommes sauvés!

emanual
— tu as raison. je sens le vent
dieu a levé la quarantaine
à nous la grâce des survivants
à moi la part du capitaine

tous
— quand nous arrivons à séville
il y aura du vin et des filles

un marin
— mais mon comandante vous ne pouvez pas
votre serment, votre trésor au premier mendiant de tolède?
comandante emanual, vous ne pouvez pas, vous ne pouvez pas
votre serment au premier mendiant de tolède

emanual
— la règle d’or tu connais pas?
si tu as l’or, tu fais la loi;
et corollaire de cette règle
si t’as pas l’or, tu fais le nègre
ah! ah! ah! ah!

à bien y penser, moi je n’aime pas tolède
le roi est vaniteux et la reine est si laide
en arrivant là-bas j’achète l’armada
je prends le sud, je prends le nord et je suis roi

viva viva españa, viva viva moi!

et toi, prince d’amour, qui as de si beaux yeux
tu veux toujours incendier les cieux?

velasco
— pas aujourd’hui, señor, c’est un peu nuageux
la vie, elle est si courte, attendons d’être vieux

viva españa, viva viva moi!

juan
— commodore, ça va mal
le vent va déchirer la voile
la vague veut nous submerger
nous sommes un peu, un peu chargés

emanual
— du calme, du calme! par-dessus bord, allons!
les prisonniers et les canons!
attachez-moi l’homme à la roue
attachez tout, attachez-vous

viva españa, viva viva moi!

dis, alonzo, et le señor dans ton lit
tu vas lui apporter des fleurs aussi?

alonzo
— il trouvera mon or bien froid
quand je lui percerai le foie

viva españa, viva viva moi!

juan
— commodore, les calfateurs
sont débordés! oh quel malheur!
nous sommes entraînés par le fond
malédiction, c’est un typhon!
coulé!

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