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letra de algérie - mendelson

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algérie
très chère algérie

je vais parler doucement
dans le monde entier c’est la cacophonie

algérie
le dernier de la famille à être né chez toi est mort il y a 7 ans déjà
la distance
la distance s’agrandit
les photos au mur sont tellement pâles qu’elles ne sont plus jaunies
le soleil dessus depuis longtemps lui est aussi parti

algérie 2019, la classe internationale
droite et digne comme un i
avec ton sourire
droit et digne comme un i lui aussi

tu as marché fièrement sur ton frankenstein de président
peut-être que tu n’as plus peur algérie
mais moi…

algérie
très chère algérie
je vais parler lentement de peur d’être mal compris

les sociétés humaines sont des écosystèmes fragiles
algérie
il faut en prendre soin

les sociétés humaines sont des écosystèmes fragiles
comme les coraux, la forêt amazonienne
le bocage en normandie

algérie
très chère algérie
un pays sans juif est un pays malade
un pays sans juif est un pays malade
sauf peut-être la sibérie nord-orientale
ou la nouvelle guinée papouasie
un pays sans chanteur est un pays malade

lounès matoub, lounès matoub, lounès matoub
lounès matoub, lounès matoub, lounès matoub…

un pays sans juif, un pays sans chanteur est un pays malade
un pays sans juif n’est presque plus un pays arabe

frère siamois
excuse-moi si je dis n’importe quoi

oh non pitié ne parlons pas
d’un pays juif sans arabe

mais…
certains de mes ancêtres vivaient à lourmel, oran, tlemcen
certains de mes ancêtres sont enterrés à lourmel, oran, tlemcen
certains vivaient là depuis le 15è siècle, l’exil d’espagne
certains étaient peut-être là depuis bien avant la conquête des arabes
depuis les tribus juives berbères qui peuplaient les montagnes de kabylie
longtemps longtemps longtemps avant ta naissance, algérie
mais ce n’est pas une compétition d’ancêtres

j’écoute abdelkader chaou, c’est magnifique le chaabi
c’est beau comme du folk, c’est beau comme de la vrai country
mais c’est plus beau encore, puisque c’est de la musique orientale
et que la musique orientale est infinie
j’écoute ferhat, reinette l’oranaise, j’écoute idir, “a vava inouva”
et j’ai la gorge qui se serre, je suis saisi
j’ai le cœur qui se brise au son de la voix de cette femme qui entonne la mélodie
et j’ai pourtant l’impression d’être étranger dans ma propre nostalgie
imposteur
imposteur dans ma propre nostalgie
c’est étrange d’avoir la nostalgie d’un pays qu’on a pas connu ou bien c’est normal ?
c’est étrange d’avoir la nostalgie d’un pays justement disparu ou bien c’est normal ?
nostalgie de l’atlantide, pays englouti…

ce n’était pas une façon de se dire au revoir, algérie
“ce n’est pas une façon de se dire au revoir”
chante léonard cohen sur la chaîne hi-fi
plus il a vieilli, plus il ressemblait à mon grand-père léon
bouaziz d’algérie, léonard cohen sur la fin de sa vie
“ce n’est pas une façon de se dire au revoir”

c’est triste pour les juifs, algérie
c’est triste, pour les algériens, algérie
c’est triste pour les harkis

avec les collègues, les amis
karim, mouloud, kamel, mourad, farouk
on en parle jamais de toi ensemble algérie
tu es comme une ombre
qui plane au-dessus des conversations et des rires
comme un nuage d’octobre en montagne de kabylie
qui fait du froid et du sombre
même en plein cœur du soleil de l’après-midi
comme une ombre qui surplombe
ambiance de plomb
on en parlait jamais de toi mais tu étais toujours là
algérie
bouche d’ombre

tant de morts, tant de morts, tant de morts, tant de morts, tant de morts…
54, 55, 56 etc…
tant de morts, tant de morts, tant de morts…
91, 92, 93, 94 etc… etc… etc… etc…

il ne reste plus grand monde à t’avoir connu à l’époque
algérie, je t’ai dis henri est mort
et grand-père bien avant lui, et les oncles et les tantes, et les grands cousins disparaissent
les gens disparaissent et leurs mémoires meurent aussi
les gens meurent en exil et leurs mémoires s’exilent aussi
les gens s’exilent aussi à l’intérieur d’eux-mêmes
mais je ne voulais pas parler de ça
mais je ne voulais pas parler de ça
je ne voulais pas parler de ça
je ne voulais pas
parler de ça

moi, moi, moi, le faux juif, disparu à l’intérieur de lui-même
mais je ne voulais pas parler de ça
moi à qui l’on a rien transmis que la peur et le secret et le honte de lui-même
mais je ne voulais pas parler de ça
moi, qui ne sait rien de moi que ce qu’on dit de lui
dans mon dos quand tout se révèle
quand les gens se dé-ventrent
dans toutes leurs bêtises
les gens entendent “bouaziz”, ils entendent l’arabe ou ile entendent le juif
ça dépend simplement de leurs maladies
mais je ne voulais pas parler de ça
la france c’est quand même terrible
ceux qui ne sont pas anti-arabes sont anti-sémites…
mais je ne voulais pas parler de ça
je ne voulais pas parler de ça
ils te parlent comme à un arabe
ils te parlent comme à un juif
et tu n’as même pas l’honneur, et tu n’as même pas le bonheur
de pouvoir leur répondre comme si
mais quelle honte ce serait alors de se défendre de l’être
mais je ne voulais pas parler de ça
je ne voulais pas parler de ça
moi, moi, le faux juif, le faux arabe
qui ne peut-être autre chose que cette impossibilité d’être
moi élevé nulle part, dans la maladie
moi qui ne sait rien, moi qui ne me sens d’aucune époque, d’aucun pays
entre moi-même et moi-même s’étend une distance infinie
entre moi-même et moi-même s’étend mon vrai pays, algérie
quand on est allé à oran en 2004
avec ma petite famille de faux juifs disparus à l’intérieur d’eux-mêmes
en pèlerinage, il n’y avait pas un seul doute algérie
chez toi nous étions des juifs pendant tout le temps du voyage
tu nous auras offert ça, algérie
en même temps que la peur et le malaise et l’angoisse
de marcher dans tes rues fantômes
mais c’était nous les fantômes
qui marchions dans un pays fantôme
on était les seuls touristes
et on marchait comme des fantômes dans la ville sans parler à personne
la ville était pleine de gens qui avaient l’air de vivre
qui nous regardaient comme des fantômes sans nous adresser la parole
peut-être par peur
peut-être parce que nous étions suivis
constamment par la police
peut-être par peur d’autres forces maléfiques
nous étions come la ville fantôme, oran
qui n’avait pas bougé depuis des décennies
nous marchions juifs fantômes, fantômes de juif dans une ville fantôme
et nous marchions dans l’ancien quartier juif disparu
nous les juifs disparus à eux-mêmes
nous marchions dans le quartier juif disparu
nous marchions fantômes vivants d’un autre pays
on osait à peine être là
on chuchotait comme des fantômes
on osait à peine faire du bruit
et nous sommes arrivés
devant la boulangerie de grand-père
et j’ai vu que le patron savait qui on était
et j’ai vu que le patron ne voulais pas savoir qui on était
et j’ai vu que l’algérie avait encore peur que l’on revienne
mais il n’y a pas besoin d’avoir peur algérie
il n’y a plus besoin d’avoir peur
qui rêve encore ?
qui rêve encore au retour ?
a part moi qui en rêve ici ?

j’ai écrit sur kacem dans “1983 (barbara)”
j’ai écrit sur karim dans une chanson ratée qui ne vivra pas
mais…
cette chanson est pour mon ami kamel

et tous les enfants de harkis
et pour tous les enfants de pieds noirs
pour tous les enfants des juifs d’algérie
cette chanson est pour toi aussi bien sûr
algérie

a cette heure-ci chez toi il doit faire beau
il doit voler des hirondelles
il pleut bien sûr sur paris
le soleil tombe sur la mer à oran
sur la corniche une mère rappelle son enfant
je la vois tu sais maintenant en temps réel
et j’espère qu’un jour tu n’auras plus peur peut-être
j’espère qu’un jour tu n’auras plus besoin d’ennemis
et tu nous inviteras alors de toi-même
et nous on ira te visiter
nous, les descendants de ceux qui sont partis
tu nous inviteras et alors on viendra
en visiteur, en bête touriste, rien qu’en étranger
on ira visiter ton pays
ton beau pays
algérie
très chère algérie
algérie, la classe 2019
droite et digne comme un i
algérie

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