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letra de février 91 - laurie darmon

[intro]

février 91, naissance dans le 15e.
pas de souvenirs véritables. des photos, beaucoup, quelques films de famille
une ambiance, une époque. ses cheveux courts à elle, ses cheveux longs à lui
leurs chemises amples, leurs visages si jeune
les couleurs argentiques. les montages qu’il aime faire, les images et la musique

été 92, metaponto

été 93, pet-t garçon venu agrandir la famille
deauville en août
emménagement à courbevoie, plus grand appartement

février 94, entrée à la maternelle. chipie, coquine, la tête ailleurs
l’immense cour de récré, le toboggan, la balançoire
piquer les pogs des garçons et courir avec en les jetant par terre partout dans la cour
le préau

février 95, la queue-de-cheval défaite et les mains pleines de feutre
le pain avec des carrés de chocolat à 4 heures. la danse cl-ssique le mercredi
le centre aéré et les coloriages

février 96, suzanne, la maîtresse de la grande section
justine la fille à la frange. les autres filles, les gentilles et les méchantes
les sorties à la piscine, l’école des fans
les bottines noires vernies
“pour que tu m’aimes encore” de céline dion et “unbreak my heart” de toni braxton

février 97, bientôt le cp
déménagement, nouvelle ville, nouvelle école
la rentrée, le cartable, l’appel. la main de maman qu’il ne faut pas lâcher
la maitresse qui insiste, le déchirement, les larmes qui n’ont pas cessées
la place au premier rang près de la porte. la trousse toujours dans le cartable pour sortir au plus vite à 4 heures

février 98, bonne élève
des mots de vocabulaire à apprendre tous les soirs. les dictées, les devoirs
tom tom et nana sur c-n-l j. la douche, le dîner
denis la malice le mercredi matin sur france 3. les minikeums, les filles d’à côté.
les jeux de bille au pied des troncs d’arbre dans la cour. les mammouths

février 99, mademoiselle margue. marie, sarah, raphaëlle
le calcul mental, les pet-ts écoliers pour la récré de 10 heures
le p-ssage à l’an 2000
écrire une rédaction sur la tempête qui a eu lieu pendant les vacances

février 2000, la danse cl-ssique le lundi soir quand il fait nuit et froid
le piano le samedi matin, le solfège le mercredi après-midi
la discrétion, la réserve, la retenue, quelque chose de l’enfance qui s’éloigne
la timidité, les joues qui rougissent vite

février 2001, attrape-fille, attrape-garçon, les populaires et les autres
les contrôles, les notes
les betteraves de la cantine, poisson le vendredi midi et frites le lundi
studio sud et la cour de récré le dimanche matin

février 2002, fin cm2
la finale de la star academy 1. star club et salut ! magazine
la cl-sse de neige à santa maria
la boom de manon, la boom de sarah, la boom de bastien
daddy dj, le débardeur bleu à paillettes et les barrettes dans les cheveux
les slows, les smacks, le journal intime
la danse modern jazz le jeudi soir
l’entrée en 6e : les casiers, la cpe, les heures de perm’
l’emploi du temps : semaine a, semaine b. les populaires et les autres, toujours

février 2003, 2004, 2005, 2006 : les années collège
l’apprentissage de l’improvisation au piano
les pains au lait au nutella après les cours. la lubie des kiwis
un, dos, tres. la 5e option musique
sarah, paula, sonia, margot, juliette et éloïse, rebaptisées les six tâches
les dîners de famille sur la p’t-te table de la cuisine. le film du mardi soir
la première colo à formiguères. le camping. les douleurs au ventre. les règles
les populaires et les autres, encore. le regard des autres. la place dans le groupe
la timidité, le sentiment de solitude
les pyjamas partys. la pizza à quatre heures du matin. les fou-rires, l’amitié, les heures au téléphone
rosswell, phénomène raven, alex mack, tia et tamera
notre belle famille sur m6. la vie de famille et friends sur rtl9
la gym le mercredi après-midi. l’envie grandissante de danser
fin de 3ème. fan de et hit machine le samedi matin
les devoirs expédiés rapidement. le brevet mention “très bien”
les befores aux planches dont tout le monde parle
les cigarettes en chocolat, à la vanille et puis les vraies
les premiers fumeurs à la sortie du collège. ceux qui cr-potent aussi
les soirées chichas. la première et dernière cuite
le sentiment de vide intense. la drogue qui circule juste ici est pourtant si loin
h-ll de lolita pille. l’interdiction de sortir. le mur de temps en temps
l’impossibilité de suivre les filles partout. il faudrait mentir trop souvent
les premiers récits de soirées sans moi. et puis, c’est devenu normal. les moments p-ssés en famille à la place
la recherche de musiques inconnues sur mysp-ce jusque trop tard le soir
la place écrasante de la meilleure amie. “l’autre moi, je veux le croire, c’est illusoire”

septembre 2006, l’entrée au lycée
le stress. l’impression d’une routine comme un tourbillon sans issues
les premiers r-t-rds en cours. le cœur en désordre. la dépendance
“tu n’aimes rien et je suis tes humeurs et souvent tout est vain, mais surtout, c’est malsain”
la concentration devenue impossible. les absences répétées en cours
la fugue d’il y a quelques mois et les soupçons maternels d’une fugue nouvelle
l’effondrement un mardi après-midi
“maman, ma tête et mon cœur sont malades. viens me chercher, je ne peux pas vivre comme ça.”
les séances de psychothérapie pendant un mois. les heures piano pour oublier le poids des sentiments déçus

juillet 2007, colonie de vacances en espagne. la souffrance à son comble
les histoires d’amitié qui n’ont guère de sens aux yeux des grands et qui ont pourtant mis mon cœur à rude épreuve
et les larmes qui s’écoulent silencieus-m-nt dans le noir parce qu’elle me parle plus, elle
parce que les autres se moquent de moi. parce que rumeurs et coups bas
le retour de vacances. la guitare offerte par mes parents
l’entrée en 1re, le chagrin greffé au cœur
les autres copines. les fou-rires en physique-chimie
la légèreté partiellement retrouvée la journée. le temps p-ssé seule, le soir, chambre et porte fermées
les heures de guitare. la corne au bout des doigts
jimmy de moriarty, msn, les fichiers word entamés qui n’ont jamais aboutis
des pages écrites, des histoires inventées ou non. et puis une première composition à deux heures du matin
et puis les premières paroles, la cicatrice musicale du chagrin
“rupture”, “malsain” nés comme des souffles
maquettes enregistrées rapidement, puis mises en ligne sur mysp-ce

février 2008, l’anniversaire de léa. “dis-moi, t’as 17 ans déjà”
au lycée, désormais, la fille qui fait de la musique
les cours, les trajets quotidiens. l’impression d’étouffer dans la répét-tion des choses
l’écriture, la composition : “six heures du matin”, “je pense”
le bac français qui approche. les fiches, les révisions à la bibliothèque

juillet 2008, première expérience en tant qu’animatrice de colo à formiguères
les résultats du bac français. l’échec, le basculement aussi radical et m-ssif que secret et inconscient
et puis la suite. bien sûr, la suite

- laurie darmon

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