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letra de l'écrivain - alexandre poulin

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j’ai grandi pas loin d’ici
dans le 3e arrondiss-m-nt
où les rêves se font endormi
une fois debout, on a pus l’temps

mon père gagnait sa vie
à l’usine de camaro
pareil comme son père avant lui
même qu’il posait le même morceau

ma mère faisait des ménages
moi, j’rêvais d’être écrivain
et pis de pelleter des nuages
pour que le soleil brille enfin

mais j’étais si mauvais à l’école
que je pensais pas que j’y arriverais
j’tais pas de ceux qu’on traitait de «bolle»
même quand j’donnais tout c’que j’avais

mais y avait monsieur désilet
un prof fin et disponible
qui m’avait pris sous son aile
et croyait en mon talent subtil

dommage, ça n’allait rien changer
j’coulerais le test du ministère
lundi, j’enverrais mon c.v
à l’usine de mon père

mais la veille de l’examen final
le bon monsieur désilet
m’a tendu un crayon b-n-l
roulé dans un velours épais

et puis, tout en fixant ma main
y a dit: «c’crayon-là y est magique
prends-le demain pour l’examen
il sait les réponses et les répliques»

j’ch’pas du genre à croire tout c’qu’on me dit
mais mon prof inspirait confiance
pis j’voulais croire un peu aussi
qu’j’avais peut-être encore une chance

d’ailleurs, à la seconde où je l’ai pris
j’ai senti comme un changement
j’vous jure que j’vous compte pas d’menteries
non, le crayon était vivant

et contre toutes mes espérances
y écrivait pratiquement tout seul
sans blague, ç’avait presque pas de sens
de le voir danser sur les feuilles

j’ai donc p-ssé mon examen
comme un p’t-t test de routine
avec quelque chose comme 80
presque aussi haut que mon estime

j’aurais dû rendre le crayon
j’étais quand même pas un voleur
mais pour une fois qu’j’me trouvais bon
pis qu’l’avenir était en couleurs

j’ai mis le stylo dans ma poche
pis j’suis parti en courant
la conscience aussi lourde qu’une roche
qu’on brise pour en faire du ciment

et au fil des années
j’suis devenu l’auteur que j’espérais
j’ai même vendu dans le monde entier
tous mes bouquins et mes essais

mais avec le sentiment étrange
qu’au fond j’avais rien accompli
le crayon vainquait les pages blanches
moi, je n’étais que son outil

j’me suis mis à boire plus qu’il ne faut
pour oublier qu’je n’étais rien
que j’roulais dans une camaro
sur laquelle mon père s’usait les mains

en plus, j’avais toujours peur
qu’on me vole mon précieux crayon
ou que me dénonce mon professeur
là, c’en serait vraiment fini pour de bon

il m’a retrouvé hier soir
à une séance de dédicaces
tout autour de ses yeux noirs
le temps avait laissé sa trace

je lui devais mon succès
et des excuses comme de raison
j’ai dit: «monsieur désilet
vous venez chercher votre crayon?»

il m’a souri tristement
en disant: «t’as toujours pas compris
y est dans ta tête, ton grand talent
le stylo v’nait d’chez uniprix»

«laisse-moi te regarder maintenant
je suis si fier de toi
y a pas un seul de tes romans
que j’ai pas lu au moins trois fois»

moi, j’me suis levé d’un coup
j’en croyais juste pas mes oreilles
j’ai pris mon vieux prof par le cou
la vérité me donnait des ailes

tellement qu’en arrivant chez moi
j’ai jeté le stylo par la fenêtre
la lumière brillait sur les toits
et les mots dansaient dans ma tête

j’ai pas fermé l’œil de la nuit
j’ai écrit sans m’arrêter
le nombre de feuilles que j’ai noircies
j’pourrais même pas les compter

ça raconte l’histoire d’un p’t-t gars
qu’y a tellement pas confiance en lui
qu’il trouve plus facile de croire
qu’un crayon peut faire d’la magie

car dans le 3e arrondiss-m-nt
les rêves volent pas très haut
on les laisse traîner sur un banc
devant l’usine de camaro

et comme on entend la machinerie
crier jusque dans’ cour d’école
on comprend vite dès qu’on est p’t-t
qu’y a juste les oiseaux qui s’envolent

letras aleatórias

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