letra de vendredi soir - tim dup
vendredi soir
on allume une cigarette
même les non-fumeurs s’émerveillent des cendres platines
qui se consument dans l’étuve mauve, de la nuit qui s’installe
ça s’apprête, les phares luisent, les rues s’époumonent
la chaleur monte et les corps se renversent
les verres s’entrechoquent, les pas se resserrent
la voie lactée s’esquisse comme une frêle aquarelle
on rentre du boulot, et on aimerait s’évaporer
dans les vapeurs des liqueurs et des images subliminales
y laisser au fond des pintes, des bouteilles, des gobelets rouges en plastique
le quotidien b-n-l et ennuyeux, des semaines passées à la verticale
on va retrouver ceux qui sont chers à nos yeux, à nos âmes
ou découvrir ceux qu’on ne connaît pas encore
on va parler mille langues dans les bars, déchiffrer les lettres d’or
fêter les premières et secondes fois
on se presse dans les queues des théâtres et cinémas
des petites salles sombres et des grands opéras
panser nos ventres et nos cœurs, se baigner de lueur
se rappeler qu’on est vivant, qu’on est pas grand-chose
et qu’on s’apprend les uns des autres
ça file ensuite dans les pubs, ou dans les clubs
quand les bouteilles à petit prix ont été descendues
d’un trait, d’un seul, les shots à terre, les mains en l’air
chercher la transe de ceux qui ne pensent plus
s’abandonner, n’être plus, s’emballer comme s’électrisent les bpm
certains prennent des choses pour oser se faire “je t’aime”
quand d’autres y parviennent plus simplement c’était dit, quoi
pas facile d’y voir bien clair
sur les pistes enfumées par la sueur de ceux qui veulent se plaire
pour les plus téméraires, ça finit dans des sofas ou des canapé-lit
des petites chambres de bonne, parfois chez les parents
on y essaye de taire le bruit des corps qui n’y peuvent rien, qui se désirent
mourir d’envie, plonger sa jeunesse, prolonger l’ivresse
jusqu’au petit matin du samedi
et à l’heure bleue, quand le ciel se pare de couleurs génétiques
on s’égare
souvent on défaille devant l’éventualité d’un quotidien à deux
comme si demain étant, on assumait plus vraiment
certains prennent des croissants
certaines prennent des taxis
mais juste avant
au moins une fois encore
on se drape l’un dans l’autre
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