letra de la métamorphose - blooms corda
un matin, en se réveillant d’un sommeil agité, grégor samsa s’est senti étrange. étrange, il a pensé. il a eu l’impression d’être redevenu petit. il a cru que c’était mi-juin, son anniversaire, mais non, c’était février deux mille vingt et quelques. la guerre. étrange, car au fond de ses entrailles, au fond du puits de l’âme de grégor, a brillé une petite pièce. le pressentiment de quelque chose de magique. magique à tel point qu’il n’a pas pu y faire face. on n’a pas pu y remédier, on n’a pas pu l’annuler ni le corriger. cela devait arriver. point. point d’exclamation. grégor a eu peur. est-ce qu’il existe des raisons auxquelles j’ai déjà oublié ? il a pensé. mais rien, ni dans le fil d’actualité, ni dans la grisaille de la fenêtre, n’a annoncé qu’il allait arriver quelque chose d’extraordinaire. en ce plus beau moment, comme en ces temps les plus étranges, grégor a voulu trouver un appui. et il l’a trouvé dans sa sœur. salut, il lui a dit au téléphone. soit je suis devenu fou, soit un chat blanc m’a coupé la route. de quoi parles-tu, frère ? a demandé la sœur. j’ai eu peur. il doit se passer quelque chose de très bon. la sœur, qui n’a jamais laissé passer une occasion de se moquer de son frère, a pris cette peur d’une façon étrangement sérieuse. tu as appelé au travail ? elle a demandé. j’ai pris un day off, a répondu le frère. attends-moi chez toi, a ordonné la sœur. j’arrive tout de suite. et grégor a attendu, et ce fut la minute la plus longue de sa vie. plus longue qu’une minute avant le ding du micro-ondes. plus longue qu’une minute avant la fin du cycle de la machine à laver. plus longue qu’une minute comptée par un feu rouge quand on est en r-t-rd à un rendez-vous. étrange. il a pensé durant cette longue minute : je ne me suis jamais mis en r-t-rd. c’est mon truc. certains ont écrit de beaux poèmes, d’autres ont bien conduit une voiture, d’autres ont brassé du vent et moi, je n’ai jamais raté l’heure. un jour, grégor s’est souvenu qu’il n’a pas été en r-t-rd à un rendez-vous. il a débordé du pressentiment de quelque chose de vraiment magique. c’était presque comme aujourd’hui. il a attendu une minute, puis quinze, puis une heure. et ce fut la plus longue heure de sa vie. et quand une heure vingt est passée et qu’elle est arrivée enfin, il lui a dit : pourquoi tout cela ? et alors quelque chose de beau n’est jamais arrivé. et maintenant, grégor a tremblé. et si cette sensation qui est en moi maintenant m’abandonnait sans autre venir ? et si le magique n’était jamais arrivé ? mais même cette peur a été douce. et le corps de grégor a brûlé et son souffle est devenu lourd. il n’a plus pu marcher. alors, il a rampé. il a rampé dans le couloir. il a laissé la porte entrouverte, car sa sœur devait venir, pour qu’elle puisse entrer, pour qu’elle puisse le trouver. et quand la sœur est enfin arrivée, elle n’a pas reconnu son frère et le frère ne l’a jamais reconnue. sa voix est devenue si sauvage, si forte et si joyeuse comme jamais auparavant. elle a secoué grégor et elle a ri. elle a secoué son frère et a ri. elle l’a secoué et éclaté de rire et elle n’a cessé de répéter : frère, frère, tu avais raison. frère, frère, c’est bien vrai
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